
Test Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles – Quand le remaster flirte avec la perfection
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Test Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles – Quand le remaster flirte avec la perfection
Il existe des jeux qui dépassent leur simple condition vidéoludique et s’élèvent finalement au rang de véritables œuvres intemporelles. Final Fantasy Tactics fait partie de cette catégorie on ne peut plus rare, dont on ne voit plus que très peu de dignes représentants de nos jours. Paru en 1997 sur PlayStation, à la même époque qu’un certain Final Fantasy VII, le titre de Yasumi Matsuno n’a jamais eu la même aura médiatique que l’aventure de Cloud Strife. Pourtant, dans le cœur de nombreux passionnés, il demeure une référence absolue, une fresque politique et humaine qui marqua durablement le genre du tactical-RPG.
Vingt-sept ans plus tard, Square Enix nous propose Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles, une reconstruction minutieuse qui va bien au-delà d’un dépoussiérage fainéant comme on en voit tant. À mi-chemin entre le remake et le remaster, ce nouvel opus ressuscite Ivalice pour les consoles modernes, en offrant deux expériences complémentaires : un mode Classique, fidèle à la version d’origine, et un mode Optimisé, qui repense en profondeur l’aventure. L’occasion rêvée de replonger dans l’un des récits les plus marquants de la série, ou de le découvrir pour la première fois. Charmés dans notre jeunesse, nous avons décidé de replonger dans cette « nouvelle » aventure et de faire part de notre retour !
Condition de test : Nous avons testé Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles sur PlayStation 5. Notre test est basé sur quelques heures dans la version classique et une trentaine d’heures sur la version optimisée.
Un récit d’ampleur magistrale ?
Derrière ses combats tactiques exigeants, Final Fantasy Tactics a toujours brillé par son histoire, d’une complexité et d’une maturité rares à la fin des années 1990. Loin des récits d’heroic-fantasy centrés sur une lutte du bien contre le mal, le jeu s’inscrit dans une fresque politique où les idéaux se confrontent aux ambitions, et où chaque camp cherche à manipuler les masses.
Le joueur y incarne Ramza Beoulve, cadet d’une grande famille noble, témoin et acteur malgré lui d’un conflit où se croisent intrigues dynastiques, luttes sociales et manipulations religieuses. Aux côtés de lui gravite Delita Heiral, ami d’enfance devenu figure tragique, dont le destin bascule au gré de trahisons et de sacrifices. Le duo illustre à merveille la dualité du jeu : d’un côté, la noblesse écrasée par ses propres contradictions et, de l’autre, le peuple qui tente de s’affranchir de ses chaînes séculaires.
La grande force de The Ivalice Chronicles est d’avoir su redonner vie à cette fresque avec brio. Chaque cinématique est désormais doublée intégralement, portée par un casting de qualité qui insuffle une intensité dramatique rare. Le script, relocalisé pour correspondre au rythme de la voix parlée, conserve malgré tout son ton aux allures shakespeariennes, parfois exigeant, mais magnifié par l’interprétation. Là où la version PSP avait divisé par son style très théâtral, l’expérience prend ici une dimension quasi cinématographique.
Le jeu réussit aussi un travail de caractérisation plus fin que dans nos souvenirs. Certaines figures secondaires : officiers, mercenaires, ou encore membres du clergé gagnent en présence grâce à des dialogues additionnels contextuels pendant les batailles clés. Ces répliques, discrètes mais ciblées, ancrent mieux les motivations individuelles au sein du grand échiquier politique qui se dévoile sous nos yeux. Sans réécrire l’histoire, ces ajouts la densifient et la rendent plus humaine : les antagonistes cessent d’être de simples obstacles pour devenir des produits d’un système en putréfaction.
Autre nouveauté précieuse : le menu encyclopédique, interactif qui plus est, qui compile fiches de personnages, cartes des factions et résumés des événements. Inspiré des Mille Tomes de Final Fantasy XVI, il rend la densité du récit beaucoup plus accessible sans jamais alourdir le rythme. On y retrouve une frise événementielle, des liens de parenté, des schémas d’alliances et l’évolution des fronts. Cette lisibilité évite les zones d’ombre lors des sauts temporels, et aide à mesurer l’ampleur des conséquences d’une bataille sur la géopolitique d’Ivalice.
La narration tire profit de silences et d’ellipses maîtrisés. Certaines scènes laissent volontairement des vides que les dialogues ultérieurs viennent combler : lettres interceptées, rumeurs murmurées dans les tavernes, confidences d’alliés supposés. Cette écriture en creux implique le joueur, l’invite à recouper les indices, et prolonge le plaisir au-delà des cutscenes. La thématique du pouvoir (qui gouverne ? au nom de quoi ?) est déclinée sur tous les étages : la fratrie Beoulve, l’entourage royal, la hiérarchie religieuse, les corporations militaires, jusqu’aux brigands issus d’anciens conscrits.
Enfin, un mot sur le rythme : The Ivalice Chronicles conserve une structure de chapitres au crescendo maîtrisé. Les premières heures, presque locales, posent des enjeux intimes tels que la loyauté, l’honneur, ou encore l’amitié, avant d’embrayer sur les ramifications nationales. Ce passage de l’échelle personnelle à l’échelle systémique reste un des miracles du jeu : la macro-histoire n’écrase jamais la micro-histoire. Au contraire, elle lui donne un relief tragique.
En somme, l’histoire de Final Fantasy Tactics n’a rien perdu de sa puissance. Au contraire, elle gagne en clarté et en immersion, et s’impose encore aujourd’hui comme l’un des récits les plus ambitieux de la saga Final Fantasy.
Un système tactique affûté et modernisé
Bien sûr, on ne parle pas de Final Fantasy Tactics sans évoquer son gameplay, pierre angulaire du titre. L’ossature repose sur des combats au tour par tour sur grille isométrique (à l’image de Fire Emblem pour les plus jeunes), où chaque déplacement et chaque action doivent être pensés avec soin. Dès l’origine, le jeu s’était imposé comme un modèle de richesse et de liberté, notamment grâce à son système de jobs.
Celui-ci revient ici dans toute sa splendeur, avec plus d’une vingtaine de classes allant du chevalier au mage noir, en passant évidemment par le dragoon, l’orateur ou le ninja. Chaque unité peut non seulement progresser dans son métier actuel, mais aussi hériter d’aptitudes secondaires issues d’autres classes. Ajoutez à cela des capacités de réaction, de soutien et de mouvement, et vous obtenez une infinité de combinaisons stratégiques. Créer un mage noir capable de manier deux lames ou un chevalier apte à lancer des sorts de soin n’est pas qu’une fantaisie : c’est une option de gameplay crédible et souvent payante.
Pour moderniser cette formule, Square Enix a multiplié les améliorations de confort :
- Possibilité d’accélérer les combats (un atout indispensable pour les animations de sorts ou de dialogues en pleine bataille);
- Affichage clair de l’ordre des tours via une barre latérale, qui facilite l’anticipation des déclenchements (soins, interruptions, buffs);
- Introduction d’une vue tactique en surplomb, activable d’une pression de touche, qui rend la lecture du terrain plus intuitive et aide à évaluer portées et zones;
- Déclenchement volontaire des combats aléatoires, qui évite de subir des affrontements non désirés et optimise le grind quand on veut expérimenter une nouvelle composition d’équipe.
La verticalité des cartes : escaliers, toits, remparts, pontons, ou encore falaises restent un levier stratégique décisif. Les hauteurs accroissent la portée des tirs, mais limitent parfois les déplacements des unités lourdes. Certains sorts exigent une ligne de vue rigoureuse, d’autres acceptent une projection arquée. Adapter sa troupe au terrain (un moine sur des reliefs tortueux perd en efficacité par rapport à un archer ou un géomancien) devient une habitude, d’autant que le placement initial a gagné en lisibilité : on visualise désormais clairement l’aire de déploiement et la position des ennemis avant de jeter ses dés.
La difficulté, elle, reste fidèle à la réputation du titre. Final Fantasy Tactics n’a jamais été tendre avec ses joueurs, et cette version optimisée ne cherche pas à trahir cet héritage. Certaines batailles mythiques, comme celles du chapitre 3, continuent de mettre les nerfs à rude épreuve. Toutefois, l’ajout de sauvegardes automatiques, le retour en arrière limité sur certaines actions clefs, et la possibilité de quitter un donjon à étages sans se retrouver piégé allègent la frustration. Trois niveaux de difficulté permettent également d’adapter l’expérience, que l’on recherche une immersion narrative plus douce ou un défi impitoyable.
Le rééquilibrage touche, par ailleurs, finement quelques points sensibles :
- Des temps de charge plus raisonnables pour les mages, rendant les sorts supérieurs enfin praticables sans calculs au cordeau à chaque tour;
- Un coût en points de job rehaussé pour certaines aptitudes historiques (téléportation, réactions auto) afin d’éviter les “chemins de traverse” trop tôt dans la campagne;
- Des boss plus résistants en fin de partie pour conserver un minimum de tension avec des équipes optimisées.
Au-delà du “buildcraft”, l’écosystème des statuts retrouve son importance. Les affrontements ne se gagnent pas seulement à coups de gros chiffres : on désorganise une ligne adverse, on coupe un soigneur de sa magie au moment opportun, on force un duel en coinçant un bretteur sur une corniche. De ce point de vue, The Ivalice Chronicles rejoint les meilleurs tacticals contemporains : il récompense la préparation plus que l’acharnement.
Les errances (les “errands” à la taverne) gardent leur double intérêt : le petit récit hors-champ qui enrichit l’univers, et la gestion du temps (jours qui passent, retours d’unité, notifications de nouveautés en boutiques) qui structure la méta. En parallèle, la possibilité d’ignorer les rencontres aléatoires lors des déplacements évite l’écueil de la sur-sollicitation et, quand on souhaite grinder, on invoque la rencontre sur le nœud choisi : simple, propre, efficace.
Côté apprentissage, l’interface clarifie désormais le panneau des jobs et leurs conditions de déverrouillage. On n’a plus besoin de jongler entre les différents menus ou d’aller chercher un tableau externe pour viser une classe de prestige : l’arborescence explique, la feuille de perso accompagne, et les “battle sets” (préréglages) permettent de mémoriser des loadouts par personnage pour switcher sans friction entre deux approches (par exemple, un rôle “burst magique” et un rôle “contrôle/support”).
Enfin, saluons l’IA adversaire, qui demeure directe, mais réagit suffisamment bien aux changements de priorités (Un soigneur isolé ? Une unité vulnérable aux dégâts sacrés ? Un goulot d’étranglement à exploiter ?). On n’est pas face à un échiquier de grand maître, mais à un contradicteur cohérent qui punit l’à-peu-près et laisse briller les solutions créatives.
Le tout dans un écrin technique et artistique soigné
Côté visuel, Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles réussit un exercice délicat : moderniser sans trahir. Les décors isométriques, véritables petites maquettes virtuelles, ont été recréés avec une définition bien plus fine, des couleurs plus vives et un sens du détail qui sublime chaque lieu : cités assiégées, plaines enneigées, cascades, déserts arides… Chaque champ de bataille raconte une histoire en soi.
Les sprites des personnages, quant à eux, restent fidèles à leur esthétique d’origine. Expressifs et attachants, ils profitent d’animations plus fluides et d’une meilleure lisibilité. Certes, en zoomant, certaines textures accusent encore un léger flou, mais l’ensemble conserve une identité forte, évitant l’écueil d’un lifting trop lisse. Les portraits animés pendant les dialogues, modestes mais bien intégrés, ajoutent une respiration bienvenue entre deux phases tactiques.
L’interface a, elle, été repensée pour répondre aux standards actuels : menus plus clairs, informations essentielles regroupées, navigation plus intuitive. Les puristes regretteront peut-être le charme un peu austère des menus d’antan, mais difficile de nier le confort gagné. La signalétique (couleurs, pictos, infobulles) met en avant les données utiles sans noyer l’écran. Une réussite quand on sait à quel point l’économie d’intent (PA, PM, CT, hauteurs) peut vite surcharger le HUD.
Sur PlayStation 5, le jeu affiche des temps de chargement très courts, ce qui renforce le caractère “pick-up and play” de la boucle de missions. La manette DualSense n’est pas exploitée de façon démonstrative (et c’est tant mieux) : quelques retours haptiques légers sur les sorts ou les impacts d’armes lourdes, une résistance discrète sur les menus contextuels, rien d’intrusif. L’essentiel est ailleurs : la stabilité. Pas de micro-saccades lors des foules d’effets, pas de chute notable de framerate sur les cartes les plus chargées. Bref, l’expérience est propre.
Sur le plan sonore, le constat est encore plus élogieux. La bande originale signée Hitoshi Sakimoto et Masaharu Iwata demeure un monument, mêlant envolées orchestrales et atmosphères pesantes. Les thèmes de bataille, poignants et épiques, n’ont rien perdu de leur impact, et leur restitution en haute qualité achève de parfaire l’immersion. Ajoutez à cela le doublage de grande qualité évoqué plus haut… juste dans le ton, ni tonitruant ni monocorde et vous obtenez un rendu qui frôle l’excellence.
Le mode classique complète l’offre avec une valeur patrimoniale assumée. Si l’on regrettera l’absence de certains contenus exclusifs à la version PSP, le double parcours proposé ici a du sens : soit l’on veut goûter la magie d’époque, soit l’on préfère la définitive modernisée qui lisse les angles sans gommer l’âme. Cette juxtaposition des deux visions permet aussi de mesurer concrètement le travail mené : en passant de l’une à l’autre, on réalise tout ce qu’on a gagné en ergonomie, lisibilité et vélocité.
Au rayon accessibilité, les efforts portent surtout sur la clarté des informations (polices propres, agrandissement possible, contrastes) et sur la tolérance aux erreurs (autosaves, indicateurs de sidequests, notifications d’événements). Ce n’est pas un tactical “assisté” : c’est un tactical respectueux du temps du joueur. Et pour un jeu aussi long, aussi dense, c’est un choix de design déterminant.
Enfin, un mot sur la direction artistique : Final Fantasy Tactics n’a jamais été un jeu “réaliste”, et c’est précisément ce qui lui permet de bien vieillir. La stylisation (proportions, couleurs, animation) fonctionne comme une capsule temporelle : elle ne cherche pas l’illusion du réel, elle impose sa grammaire visuelle. The Ivalice Chronicles a la pudeur de ne pas tout réécrire, et la modernité de polir ce qui devait l’être. Résultat : un classicisme revivifié, qui n’a pas peur de montrer ses coutures 16/32 bits, et qui convoque sans cesse cette sensation délicieuse de maquette vivante.
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